jeudi 27 avril 2017

Déplaces –  Séances des 12 et 24 avril
Anne Morillon

Ces trois derniers ateliers, la forme de la restitution nous (pré)occupe beaucoup. Nous avons abandonné l’idée de proposer aux spectateurs.trices de reproduire une danse montrée par les participant.e.s de l’atelier en raison du risque d’exposition du corps d’autrui comme un Autre exotique, folklorique et ce faisant dominé. Si l’intention n’était évidemment pas celle-là, ce que j’ai vu dans les premiers essais représente une mise en danger inacceptable des participant.e.s dans la mesure où les danses ou mouvements qu’ils/elles proposent spontanément peuvent alimenter une représentation stéréotypée, une sorte de cliché des participant.e.s étranger.ère.s ou migrant.e.s, à travers notamment l’image de la "danse africaine". 

Mais qui suis-je pour affirmer que ce que chacun.e donne à voir est de l’ordre du cliché ? A ce sujet, je voudrais faire deux remarques : d’une part, que le regard sur l’Autre est tout sauf neutre, qu’il s’enracine dans une histoire de domination ancienne qui échappe largement à la conscience de ces jeunes migrant.e.s qui participent au projet et des futurs spectateurs.trices et, d’autre part, que lorsque qu’avec deux autres personnes, j’ai dû réfléchir à cette "danse" à laquelle on inviterait les spectateurs.trices je me suis dit "je ne vais quand même pas proposer une danse bretonne ?", "quelle est ma danse traditionnelle ?", tandis que mes comparses se sont employés à chanter l’hymne angolais et à imaginer des mouvements saccadés pour évoquer la marche militaire… Voici donc comment la "commande" des chorégraphes a pu être interprétée… alors que ni "traditionnel" ni "national" et encore moins "patriotique" n’ont été prononcés… Mon hyper sensibilité à ces questions m’aurait incitée à proposer un geste sur un morceau de PJ Harvey (j’adoooore), autrement dit un mouvement (à défaut d’une danse) hyper-personnel, intime même (quoi qu'il y a du générationnel, du social dans cette proposition) refusant toute assimilation à une quelconque nation ou tradition (pour moi le rock est universel ;-)) alors que mes camarades d’atelier semblent s'être engouffrés dans la brèche… Pas simple, pas facile. Comment faire ? 

Le regard sur le "corps africain en mouvement" – je reprends ici la terminologie de la socio-anthropologue Altaïr Despres – est en soi un objet d’étude. Je peux citer sa recherche justement sur l’immigration des danseurs contemporains africains dans laquelle elle relève l’existence d’un intérêt spécifique des acteurs du champ chorégraphique contemporain pour les danseurs africains (Despres, 2011) lié certainement à la fascination du public occidental pour des danses successivement qualifiées d’"exotiques", d’"ethniques" ou encore de "danses du monde" (Décoret-Ahiha, 2004). La danse est un prisme par lequel il est possible de construire et d’inventer l’Autre. L'enjeu est peut-être d’autant plus sensible quand les danseurs ne sont pas des danseurs professionnels. Ce qui se joue dans la représentation (au sens de la scène mais aussi des idées) n’est pas de l’ordre de la performance (si l’on dire) artistique mais d’autre chose. Finalement, c’est cet "autre chose" autour duquel nous tournons depuis quelques séances.

Nous nous orientons vers une "restitution-partage" au-delà des clichés, mais si nous savons exactement ce que nous ne voulons pas, nous ne sommes pas très sûrs de ce que nous voulons dire et montrer. Nous y travaillons collectivement, chacun y va de ses envies et de ses idées.

Je ne voudrais pas finir ce mot sans une pensée à Keti dont la famille traverse des moments difficiles. 

mercredi 26 avril 2017

Atelier du 24 avril

Quel atelier plein d'énergie ! Nous n'étions pas beaucoup mais nous avons beaucoup échangé, dansé, travaillé... appelons ça comme on le préfère ! En tout cas nous nous sommes mis en mouvement ensemble dans la continuité de la dynamique de la semaine précédente et avons pris beaucoup de plaisir pendant ces deux heures.
D'abord nous nous sommes mis-e-s en condition, chacun-e a partagé une manière de s'échauffer avec les autres.
Pour entrer dans le vif du sujet, Julie a proposé au groupe de travailler un mouvement collectif : d'un point A à un point B le groupe se déplace comme un seul corps, composé de cellules qui ont elles aussi leurs propres mouvements, se croisent et s'entremêlent en se déplaçant. 
Pour commencer Mohammadi à proposé de le suivre tandis qu'il mimait un tir à la corde.
Ensuite chacun-e s'est glissé à la tête du groupe quelques secondes pendant le mouvement puis se faisait à nouveau absorbé par le mouvement général.
Julie a ensuite proposé de rajouter une chute, où le groupe dans son ensemble devait retenir celui ou celle qui tombait. Puis les mouvements de chacun-e, travaillés les semaines précédentes, viennent logiquement s'incorporer au mouvement du groupe.
Cette séance à donné lieu à des scènes très drôles. Notamment au moment du travail des chutes, il fallait lâcher prise et faire confiance aux autres :

 Non non non !

Allez viens je te porte, je te montre !

Moi je vais me lâcher bien, mais soyez beaucoup ! 

Tu m'attrapes hein ?!

 Madame, il faut que tu sautes et on te porte (à bout de bras), on fait ça au foot quand il y en a un qui marque un but !

L'atelier se finit. Avant que tout le monde file rapidement vers son quotidien, Fanny nous montre les affiches pour la restitution. Il ne nous reste qu'une poignée de séances avant le 16 mai !
 Photos et vidéos - ©François Langlais

 

vendredi 14 avril 2017

Atelier du 12 avril

Cet atelier était particulièrement énergique et prometteur !
Alors qu'il n'y avait encore qu'une poignée de participant-e-s présent-e-s, Marine a mis de la musique puis nous a invités à marcher comme si nous étions en ville sur un trajet du quotidien. Il s'agissait de ressentir la musique et d'insuffler de la danse dans cette marche. Alors, le groupe se croisait, chacun dans son trajet, chacun-e avec son style particulier, dans sa bulle, ne devait pas faire attention au reste de cette ville imaginaire. Comme des personnages de cinéma, nous marchions, portés par le rythme, pour se raconter nos propres histoires.
La marche s'est accélérée, elle est devenue course. Puis nous nous sommes dis bonjour, par la parole, par le geste. C'était la fin de ce premier exercice.

Ensuite, sur des notes de piano propice à l'introspection nous sommes allés au sol, pour nous relaxer et commencer progressivement à visualiser en nous une bille. Qui par ses mouvements à l'intérieur puis à l'extérieur de notre corps, allait nous amener de l'immobilité vers le mouvement. D'abord, par de léger étirements, des gestes limités, jusqu'à se mettre debout et faire évoluer cette bille de part et d'autres de notre corps.
Pendant ce temps, notre nombre a un peu grossi.

Une fois cette mise en jambe terminé, nous avons continué à travailler sur la restitution du 16 mai que nous avions commencé à aborder lors des ateliers précédents.

« Vous ne serez pas des élèves le jour du spectacle. C'est vous les professeurs, vous qui accueillez » dit Marine au groupe, avant qu'on se mette dans les conditions du jour j : une partie d'entre nous a joué les spectateurs tandis que l'autre les attendait « sur scène » pour l'introduction « entre quatre yeux ».

Marine propose de continuer l'atelier dehors pour travailler des mouvements collectifs de portés que nous avions commencé à travailler en plus petit comité il y a quelques semaines.

A travers ces exercices je m'aperçois de la complicité et de la confiance qui s'est tissé dans le groupe depuis que nous avons commencé. Les contacts se font plutôt simplement, les éclats de rire ne sont jamais loin et au final : nombreux se laissent porter, au sens propre comme au sens figuré. Sans trop de réticence. 
 
 
 
 
 
 
Après ces exercices à deux où les participant-e-s se soutiennent chacun-e leur tour, deux groupes sont constitués, cette fois-ci c'est une seule personne qui retient le reste des participants.
Pour finir par le même exercice de porté, mais avec tout le groupe ! Qui a l'air particulièrement propice pour créer de la bonne humeur.
 
 
Le dernier travail reprend ce principe de soutenir les autres, mais dans une forme plus élaborée qui demande aussi de la synchronisation.
 

 






lundi 10 avril 2017

Déplaces – séances des 29 et 30 mars 2017
Anne Morillon

Nous en sommes à un moment critique du projet parce que se pose la question de sa restitution le 16 mai dans le cadre de la manifestation culturelle Rennes au pluriel organisée par la ville de Rennes. Qu’est-ce que nous voulons donner à voir à cette occasion ? Pour moi, c’est une question très complexe qui suppose une grande vigilance à plusieurs titres d’ailleurs.
D’abord, le contexte de cette restitution n’est pas anodin, il se déploie dans un cadre officiel organisé par une municipalité qui s’interroge depuis fort longtemps sur la place de l’autre, de l’étranger, dans la ville. Rennes au pluriel s’inscrit à la fois dans la continuité et en rupture avec ce qui s’est fait à Rennes depuis le début des années 1980 : fête l’immigration (quand il s’agissait de prendre acte de la sédentarisation des immigrés et de leur famille alors que jusque-là (et d’une manière générale – je ne fais pas ici dans la nuance) les immigrés, des hommes seuls, étaient perçus comme une main-d’œuvre d’appoint, temporaire donc) puis Convergences culturelles (quand la question du « vivre ensemble » s’est progressivement imposée comme essentielle avec un intérêt pour la culture de l’autre et la diversité culturelle). La filiation existe bel et bien, mais à travers Rennes au pluriel, la ville de Rennes semble prendre de la distance avec l’approche dite interculturelle qui a pu produire (là encore je ne fais pas dans la dentelle) des effets inattendus : au nom de la valorisation de la différence culturelle, l’autre, l’étranger est réduit à la culture qu’il est censé incarner à chaque instant de son existence, dans chacune de ses attitudes, de ses décisions… Cette représentation peut alimenter paradoxalement la mise à distance de l’autre, voire sa mise à l’écart, alors qu’elle prétend construire les conditions propices au « vivre ensemble ». Rennes au pluriel met davantage l’accent qu’auparavant sur l’histoire et la mémoire de l’immigration (qui est d’ailleurs un domaine très récent de l’historiographie nationale) à Rennes. Ce faisant, la ville de Rennes s’emploie à mettre en œuvre l’idée selon laquelle l’histoire des immigrations à Rennes fait partie de l’histoire de la ville et n’est pas une histoire à part, spécifique. Le changement le plus important, me semble-t-il, c’est l’encrage progressif des propositions de cette manifestation sur la place de l’autre dans la ville dans des rapports sociaux complexes : solidarité et rejet, inclusion et exclusion, racisme et discrimination, xénophobie, lutte pour la reconnaissance et l’égalité, convergences des luttes… Mais tout centré sur la lutte qu’il soit, ce temps fort reste une opération institutionnelle elle-même porteuse de contradictions inhérentes à ce type de manifestation : normative et rebelle à la fois.

Une restitution dans ce cadre-là n’est donc anodine. Elle engage évidemment les « intervenant.e.s » – chorégraphes, photographe, sociologue, l’association Danse à tous les étages –, mais aussi et peut-être surtout les participant.e.s dont une partie sont des jeunes migrant.e.s. L’autre, l’altérité, ne se résume pas à l’étranger ; l’autre ça commence avec celui /celle qui n’est pas soi. Mais ici l’autre, c’est surtout le/la jeune migrant.e qui pour certain.e.s éprouvent l’expérience douloureuse de la précarité, de la peur, de l’incertitude et en même temps l’expérience de la rencontre, de l’accueil, de l’échange, toutes ces choses positives que nous essayons – en y arrivant je crois – à mettre en œuvre dans les ateliers. Cette ambivalence est perceptible chez un certain nombre : ils/elles hésitent entre savourer ce moment d’insouciance, de solidarité, de bienveillance et témoigner de leurs inquiétudes, de leur quotidien marqué par la peur de se faire arrêter par la Police ou les rendez-vous à la fois attendus et redoutés à la préfecture et la recherche d’un toit pour dormir… Ces histoires-là ont bien sûr leur place dans une manifestation comme Rennes au pluriel, mais est-ce cela que nous voulons donner à voir ? Pas si simple. Exprimer dans cette restitution les moments de bonheur qu’ont été ces ateliers n’est pas complètement satisfaisant car n’est-elle pas l’occasion de partager avec les spectateurs sa condition fragile de migrant.e ? Et en même temps, c’est insupportable d’être réduit.e à cela. Nous en sommes là : véritable dilemme que nous allons tenter de dépasser lors de la prochaine séance.

Atelier du 30 mars

Marine commence l'atelier avec plusieurs exercices collaboratifs pour préparer les corps et les esprits à la danse. Un cercle est formé, on s’assoit et masse la personne devant soi grâce à plusieurs gestes, sur le dos, puis la fontanelle. On doit ensuite se déplacer assis, uniquement à l'aide des hanches.
Nous continuons par un échange avec les participant-e-s sur la façon dont ils souhaitent se montrer au public pour le 16 mai. La restitution est de plus en plus présente dans le contenue des ateliers et chaque exercice de danse est un pas vers le jour-j.
Ensuite, les participant-e-s sont invités à composer des groupes de trois personnes : une qui improvise un rythme, une qui danse et une qui chante. Après un temps de réflexion, la plupart des groupes puisent dans des danses qu'ils connaissent depuis longtemps pour les partager avec les autres et finalement dévient légèrement la consigne en chantant et dansant tous ensemble en marquant le rythme avec leurs jambes. Certain-e-s ont du mal à trouver un rythme et vont chercher des chansons connues grâce à leur smartphone.
Nous nous retrouvons le 12 avril pour la suite.


jeudi 6 avril 2017

Atelier du 29 mars

Ce mardi, c'était Anne et moi (François) qui étions chargés de mettre en place l'atelier.

Pour la première fois, personne ne dansera durant ces deux heures. Nous avons choisi de mettre à profit nos disciplines respectives, la sociologie et l'image.

D'abord, je projette la vidéo qui avait été prise la semaine précédente, avec les gestes de chacun-e, mis bout à bout par 4 danseuses, pour se remémorer les mouvements du groupe.

Ensuite, nous formons un cercle, debout les un-e-s en face des autres et Anne nous invite à expliquer ce que représente le geste que nous avions partagé avec le groupe et pourquoi nous l'avons choisi.

On se rend compte que tandis que certain-e-s avaient gardé le même geste au fur et à mesure des ateliers, souvent un geste issu d'une danse, d'autres en avaient inventé un nouveau, plus intuitif, correspondant davantage à leur personnalité. Une "carte d'identité visuelle", comme nous l'avait demandé Julie il y a quelques ateliers.

Après ce cercle, nous avons mis en place un exercice sur l'image que nous avons de nous-mêmes. Le groupe c'est séparé en deux. Une partie avec Anne, une partie avec moi. Nous avons demandé à chacun-e de noter sur un bout de papier, la caractéristique (le mot), qui le ou la défini-e le mieux.
Puis deux autres membre de ce petit groupe était à leur tour invité à noter une caractéristique ou qualité pour chaque personne.
Chacun-e se retrouvait donc avec trois mots pour définir sa personnalité. Le sien et celui des autres. Nous avons discuté des différences et des similitudes entre ces mots, de notre rapport au regard des autres et à la façon dont nous jugeons nous-mêmes. Ensuite, nous avons invité chaque membre des groupes à choisir le mot qu'ils souhaitaient parmi les trois et de l'incarner le temps d'une photo : par l'attitude, le regard, la posture...

La série de portrait qui suit est le résultat de cette expérience où chacun-e incarne une qualité :
Nous finissons l'atelier par le cercle habituelle où Gwenaëlle et Virginie nous offres une chanson du groupe Début de soirée à Capella.